Covid 19 et délais pour agir (suite) : un seul mot : PRUDENCE

Je vous ai brièvement rappelé la semaine dernière les principaux délais pour agir en justice en matière civile et prud’homale (c’est ici).

Se posait la question de savoir, compte tenu de l’arrêt de toute activité judiciaire (sauf urgence), si les délais pour agir allaient être suspendus, à compter de quand et pour combien de temps ?  A défaut de quoi de nombreux droits risquaient purement et simplement d’être éteints.

Une réponse vient d’être apportée par  l’Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020.

L’article 2 dispose que « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit ».

Pour rappel, l’état d’urgence sanitaire est ordonné pour 2 mois à compter du 24 mars 2020 et prendra fin, sauf prolongation le  24 mai 2020. Cet état d’urgence sanitaire est à distinguer de la période de confinement qui vient elle d’être prolongée jusqu’au 15 avril 2020.

En clair :

  1. Les dispositions de cette ordonnance s’appliquent aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (1 mois après le 24 mai, soit le 24 juin 2020).
  2. Les actes soumis à ces délais seront réputés avoir été faits à temps s’ils sont effectués dans les deux mois à compter de du 24 mai 2020.

Naturellement, quelques observations s’imposent :

Première remarque : l’ordonnance n’aura aucun effet sur les délais échus avant 12 mars 2020. Les droits ou actions qui devaient être exercés au plus tard le 11 mars 2020 sont perdus (pour savoir si un délai est expiré, encore faut-il savoir à compter de quelle date il court : pour cela, une consultation d’avocat peut être nécessaire).

Deuxième remarque : ne sont concernés, aux termes de l’article 1 de l’Ordonnance, que les délais expirant à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 24 juin 2020 (un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, sauf prorogation) et pour une durée maximum de 2 mois.

  • Les délais qui expirent après le 24 juin 2020  (sauf prorogation de l’état d’urgence sanitaire), ne sont pas concernés et ne seront pas prorogés. Le cas le plus dangereux est celui du délai expirant le 25 juin 2020, lendemain de la fin de l’état d’urgence sanitaire. Pour rappel : Une lettre recommandée adressée à son adversaire n’interrompt pas un délai de prescription. Il faut faire délivrer une assignation ou déposer une requête. Or, tout le système judiciaire est grippé. IL FAUT DONC ANTICIPER en consultant dès à présent son avocat pour éviter les déconvenues.

 

  • Cette prorogation de 2 mois maximum ne peut avoir pour effet d’augmenter la durée initiale du délai visé : vous disposez, par exemple, d’un délai d’un mois pour faire appel d’une décision. A l’issue de la période visée par l’Ordonnance,  vous disposerez d’un nouveau délai d’1 mois (et non 2 mois) expirant le 24 juillet 2020 pour faire enregistrer votre appel.

De façon générale, je ne peux que vous recommander la plus grande prudence si vous disposez de droits ou actions expirant dans les semaines qui viennent. Les termes de l’Ordonnance ne manqueront en effet pas d’être discutés par les parties défenderesses dans le cadre des procédures engagées.

De même, soyez prévoyant si votre délai expire quelques jours ou semaines après cette date du 24 juin 2020.

Consultez votre avocat à l’avance pour éviter d’avoir à discuter délais et procédure. Pendant ce temps là, on ne parle pas du fond du problème.

Je me tiens bien évidemment à votre disposition.